mercredi 12 décembre 2012

Le Jugement dernier, Tympan de l'église de Sainte-Foy-De-Conques, début XIIeme – Moyen-âge

  
 Le portail ouest de l'abbatiale de Conques abrite le tympan du Jugement dernier, l'une des œuvres majeures de la sculpture romane de la première moitié du XIIe siècle, par ses qualités artistiques, son originalité et par ses dimensions. 6,70 mètres pour une hauteur de 3,60 mètres. Ce bas-relief* n'abrite pas moins de cent vingt-quatre personnages dans un état de conservation tout à fait remarquable. 

   Pour le visiteur qui débouche sur le parvis, le tympan, à 3,50 mètres du sol, reste étonnamment lisible malgré le foisonnement des personnages et la diversité des scènes. La composition est en effet d'une grande simplicité : tout s'ordonne autour de la figure centrale du Christ, démesurée par rapport aux autres personnages, et vers lequel le regard se trouve irrésistiblement attiré. A sa gauche, « l'enfer est comme l'image négative du paradis (à sa droite), un anti-ciel. Dans un cas tout est ordre, clarté, paix, contemplation et amour, dans l'autre violence, agitation convulsive, effroi » (Marcel Durliat).


   Le Jugement dernier de l'abbatiale Sainte-Foy de Conques s'adresse à tous. On imagine fort bien les pèlerins du XIIe siècle sur le parvis en train d'en déchiffrer une à une les scènes. En effet, pour beaucoup, l'art des églises représentait les seules images qu'ils aient la possibilité de contempler et le tympan de Conques s'adressait plus directement au peuple, dont la grande majorité ne sait pas lire.


Vocabulaire :
Bas-relief / haut-relief / ronde-bosse

Le Christ au centre : 
 
 

Le Christ est mis en valeur, il est la figure centrale de la composition : il trône dans une gloire en amande parsemée d'étoiles, parmi les nuées représentées par cinq rangées de petits festons.


La pesée des âmes :
Sous la figure du Christ, on aperçoit la scène de la pesée des âmes, opposant l'archange saint Michel et un démon à l'air narquois (moqueur), se défiant mutuellement du regard, de chaque côté de la balance. En dépit de la tricherie du démon qui appuie son index sur le plateau, la pesée se fait en faveur des bonnes actions.


La résurrection :
A gauche, la résurrection des corps se déroule dans la pierre comme, sur un écran, une séquence filmée : avec l'aide des anges venus soulever les couvercles, les morts se dressent les uns après les autres hors de leurs sarcophages.


Les entrées du paradis et de l'enfer : 


   La source principale d'inspiration du Jugement dernier à été l'évangile de saint Matthieu. L'artiste a voulu fixer dans la pierre l'instant dramatique où le Christ prononcera les paroles gravées sur les petites banderoles que deux anges déroulent de part et d'autre de sa tête : « Alors il dira à ceux qui seront à sa droite : venez les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous. Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : éloignez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable... Et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle ».
    La première phrase, adressée aux élus qui s'avancent vers le Christ, est ponctuée d'un mouvement du bras droit levé pour les accueillir. Celui de la main gauche abaissée, pour désigner l'enfer aux réprouvés, est bien celui du juge prononçant son verdict. Ainsi, par ces deux gestes contrastés, le Christ paraît orchestrer le spectacle grandiose qui se joue depuis plus de huit siècles au-dessus du parvis de l'abbatiale. 
 

    Le peuple des élus (destiné au Paradis) est en marche vers la droite du Christ, sous la conduite de la Vierge, elle-même suivie de saint Pierre tenant la clef du paradis. L'alignement presque monotone de ces élus, soumis à une rigoureuse frontalité, entend traduire l'ordre et la sérénité qui règne dans le paradis. A sa porte, un ange accueille les élus.
De l'autre côté d'une cloison, un démon hirsute, armé d'une massue, est chargé d'enfourner les damnés dans la gueule monstrueuse de l'enfer. 

    A la paix céleste, le sculpteur a su opposer violemment le chaos et la confusion de l'enfer. Satan préside aux supplices hallucinants, les pieds posés sur le ventre d'un damné, couché dans les flammes : le paresseux, dit-on. A ses côtés, tout un peuple hideux de démons s'emploie à châtier les auteurs des péchés capitaux, avec un plaisir évident. Le sculpteur n'était plus tenu ici à des thèmes précis et il a pu donner libre cours à son imagination. Dans un enchevêtrement indescriptible de corps et de têtes, les créatures infernales, décharnées, un affreux rictus sur le visage, s'en donnent à cœur joie et rivalisent de zèle pour châtier les damnés. 



 


Des images et du texte : 
 

   Dans cet enfer, tout a été mis en œuvre pour inspirer la crainte à ceux qui ne savaient pas lire - ils constituaient la grande majorité de la population à l'époque – la phrase gravée à la base du linteau :
O PECCATORES TRANSMUTETIS NISI MORES
JUDICIUM DURUM VOBIS SCITOTE FUTURUM
« Pécheurs, si vous ne réformez pas vos mœurs,
sachez que vous subirez un jugement redoutable ».


A l'époque de sa création, il s'agissait d'un bas-relief coloré :
Comme pour mieux frapper les esprits, de vives couleurs dont il reste encore des traces importantes venaient rehausser les sculptures, avec une dominante bleue pour le paradis et rouge pour l'enfer.
 
} Pour une vue rapprochée du tympan du Jugement dernier, cliquez ici
(contribution de M. Andrew Tallon, Department of Art, Vassar College, Poughkeepsie NY, USA).
Mme Bierne

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