Le portail ouest de l'abbatiale de Conques abrite
le tympan du Jugement
dernier, l'une des œuvres majeures de la sculpture
romane de la première moitié du XIIe
siècle, par ses qualités artistiques, son originalité et par ses
dimensions. 6,70 mètres pour une hauteur de 3,60 mètres. Ce
bas-relief* n'abrite pas moins de
cent vingt-quatre personnages dans un état de conservation tout à
fait remarquable.
Pour le visiteur qui débouche sur le parvis, le
tympan, à 3,50 mètres du sol, reste étonnamment lisible
malgré le foisonnement des personnages et la diversité des scènes.
La composition est en
effet d'une grande simplicité : tout s'ordonne autour de la
figure centrale du Christ, démesurée par rapport aux autres
personnages, et vers lequel le regard se trouve irrésistiblement
attiré. A sa gauche, « l'enfer est comme l'image négative du
paradis (à sa droite), un anti-ciel. Dans un cas tout est ordre,
clarté, paix, contemplation et amour, dans l'autre violence,
agitation convulsive, effroi » (Marcel Durliat).
Le Jugement dernier de
l'abbatiale Sainte-Foy de Conques s'adresse à tous.
On imagine fort bien les pèlerins du XIIe siècle sur le parvis en
train d'en déchiffrer une à une les scènes. En
effet, pour beaucoup, l'art des églises représentait
les seules images qu'ils aient la possibilité de contempler et le
tympan de Conques s'adressait plus directement au peuple, dont la
grande majorité ne sait pas lire.
Vocabulaire :
Bas-relief / haut-relief / ronde-bosse |
Le
Christ au centre :
Le Christ est mis en valeur, il est la figure
centrale de la composition : il
trône dans une gloire en amande parsemée d'étoiles, parmi les
nuées représentées par cinq rangées de petits festons.
La
pesée des âmes :
Sous la figure du
Christ, on aperçoit la scène de la pesée des âmes, opposant
l'archange saint Michel et un démon à l'air narquois (moqueur), se
défiant mutuellement du regard, de chaque côté de la balance.
En dépit de la tricherie du démon qui appuie son index sur
le plateau, la pesée se fait en faveur des bonnes actions.
La
résurrection :
A gauche, la
résurrection des corps se déroule dans la pierre comme, sur un
écran, une séquence filmée : avec l'aide des anges venus soulever
les couvercles, les morts se dressent les uns après les autres hors
de leurs sarcophages.
Les
entrées du paradis et de l'enfer :
La source principale d'inspiration du
Jugement dernier à été l'évangile de saint Matthieu.
L'artiste a voulu fixer dans la pierre l'instant dramatique où
le Christ prononcera les paroles gravées sur les petites banderoles
que deux anges déroulent de part et d'autre de sa tête : «
Alors il dira à ceux qui seront à sa droite : venez les bénis de
mon Père, possédez le royaume préparé pour vous. Ensuite il dira
à ceux qui seront à sa gauche : éloignez-vous de moi, maudits,
dans le feu éternel préparé pour le diable... Et ils s'en iront,
ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle ».
La première phrase, adressée aux élus qui
s'avancent vers le Christ, est ponctuée d'un mouvement du bras
droit levé pour les accueillir. Celui de la main gauche
abaissée, pour désigner l'enfer aux réprouvés, est bien celui
du juge prononçant son verdict. Ainsi, par ces deux gestes
contrastés, le Christ paraît orchestrer le spectacle grandiose qui
se joue depuis plus de huit siècles au-dessus du parvis de
l'abbatiale.
Le peuple des élus (destiné au Paradis) est en
marche vers la droite du Christ, sous la conduite de la Vierge,
elle-même suivie de saint Pierre tenant la clef du paradis.
L'alignement presque monotone de ces élus, soumis à une rigoureuse
frontalité, entend traduire l'ordre et la sérénité qui règne
dans le paradis. A sa porte, un ange accueille les élus.
De l'autre côté d'une cloison, un démon hirsute,
armé d'une massue, est chargé d'enfourner les damnés dans la
gueule monstrueuse de l'enfer.
A la paix céleste, le sculpteur
a su opposer violemment le chaos et la confusion de l'enfer.
Satan préside aux supplices hallucinants, les pieds posés
sur le ventre d'un damné, couché dans les flammes : le paresseux,
dit-on. A ses côtés, tout un peuple hideux de démons s'emploie à
châtier les auteurs des péchés capitaux, avec un plaisir évident.
Le sculpteur n'était plus tenu ici à des thèmes précis et il a pu
donner libre cours à son imagination. Dans un enchevêtrement
indescriptible de corps et de têtes, les créatures infernales,
décharnées, un affreux rictus sur le visage, s'en donnent à cœur
joie et rivalisent de zèle pour châtier les damnés.
Des
images et du texte :
Dans cet enfer, tout a été mis en œuvre pour
inspirer la crainte à ceux qui ne savaient pas lire -
ils constituaient la grande majorité de la population à l'époque
– la phrase gravée à la base du linteau :
O PECCATORES TRANSMUTETIS NISI MORES |
« Pécheurs, si vous ne réformez pas vos mœurs, |
A
l'époque de sa création, il s'agissait d'un bas-relief coloré :
Comme pour mieux frapper les esprits, de vives
couleurs dont il reste encore des traces importantes venaient
rehausser les sculptures, avec une dominante bleue pour le paradis et
rouge pour l'enfer.
(contribution
de M. Andrew Tallon, Department of Art, Vassar College, Poughkeepsie
NY, USA).
Mme Bierne
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