jeudi 15 janvier 2015

Le Musée juif de Berlin


Réalisé par l'architecte Daniel Libeskind, le bâtiment a été construit à Berlin entre 1993 et 1998 et inauguré en septembre 2001. Il propose 3000 m2 d’exposition. Il s’agit d'un musée retraçant 2000 ans d'histoire juive en Allemagne.
Daniel Libeskind fait partie des représentants les plus innovateurs du dé constructivisme.


CONTEXTE : 
Un premier musée exposant la culture juive est fondé à Berlin en 1934 à Oranienburger Strasse, mais sera fermé en 1938 pendant le régime nazi. L'idée de la réouverture d'un tel musée en Allemagne apparaîtra en 1971, puis prendra forme en 1975 à travers la naissance d'une association qui promeut ce projet. En 1978, à la suite d'une exposition sur l'histoire juive, le musée de Berlin ouvre un département spécial. Un concours est lancé en 1989. Le bâtiment est livré en 1999, mais aucune collection n'y est présentée au début. Il faudra attendre un deuxième concours pour que les collections puissent être transportées depuis le Martin-Gropius-Bau où elles étaient stockées de manière provisoire. Certains affirment qu'il est surchargé par une scénographie qui présente des milliers d'objets de natures diverses. D'autres sont fascinés par la grande richesse de ses collections exposant beaucoup d'éléments de la culture juive, depuis ceux de la vie courante jusqu'à certaines pièces uniques. Il sera finalement inauguré en 2001.



Le bâtiment n’est pas inséré dans un tissu urbain homogène. Jouxtant un
bâtiment du XVIIIe siècle, il est lui-même en rupture avec son environnement hétérogène de friches, d’arbres, d’HLM des années 1960… Vus d’avion, ses volumes s’opposent à l’orthogonalité constructive traditionnelle, ils dessinent une étoile de David déconstruite. Les Berlinois appellent cette construction « Blitz » car cette ligne brisée aux arrêtes vives peut faire songer à un éclair. Des structures similaires sur la façade et à l'intérieur rappellent, telles des cicatrices, les souffrances des juifs allemands. 

Vue aérienne le musée Juif et le KollegienHaus
maquette du musée

salle intérieure
Le musée est constitué essentiellement de béton brut pour sa structure et de métal pour l’enveloppe en zinc monoxydé dont la couleur est particulièrement vulnérable et altérable avec le temps. Les façades sont entaillées de baies étonnamment peu habituelles. Ces fentes longues et étroites sont des obliques aléatoires qui créent des lignes de lumière à l’intérieur du bâtiment et accompagnent les parcours prédéterminés des visiteurs. Elles sont plus des incisions graphiques que fenêtres. Des lignes de rivets les soulignent en pointillé.
Ce qui est le plus remarquable de l’extérieur, c’est l’absence d’entrée visible pour cette nouvelle construction. 

Cette architecture contemporaine n’est qu’une extension du bâtiment baroque à l’enduit jaune : le musée de l’Histoire de Berlin. celle-ci se trouve dans le bâtiment baroque voisin et n’a rien de commun avec le modèle attendu de l’entrée du musée, espace souvent majestueux, vaste et lumineux ; au contraire c’est ici une petite entrée étroite et sombre par laquelle le spectateur descend 12 mètres sous terre et débute de cette façon très particulière la visite du musée, visite aux allures d’épreuve pour le corps comme pour l’esprit. Il faut passer par le passé pour accéder au nouveau. L’architecture du musée est conçue selon 3 axes (ou 3 lignes) principaux situés au sous-sol du bâtiment : axe de la continuité, axe de la mort, axe de l’exil.
 
 

-L'axe de la continuité [de la présence juive en Allemagne conduit à un escalier étroit et très long nommé l’Échelle de Jacob dont l'ascension est éprouvante pour le spectateur qui accède au terme de cette ascension aux salles du musée qui se trouvent donc à l'étage. 
Parallèlement à l'axe de la continuité Daniel LIBESKIND a voulu consacrer des espaces à l'absence du peuple juif en Allemagne, absence consécutive à l'Holocauste et à l'Exil qu'il représente grâce à six tours de béton qui prennent place tout au long du bâtiment et qu'il appelle "les Vides". Ces tours, pour cinq d'entre elles, ne contiennent rien que du vide et il est impossible pour le spectateur d'y pénétrer.

Installation Shalechet de Menashe Kadishman
Le sixième de ces vides appelé "Le Vide de la Mémoire" est ouvert et pénétrable, l'artiste Menasche Kadischmana disposé au sol de celui-ci une installation : des milliers de cercles d'acier jonchent le sol, ces cercle percés de trous représentent des visages humains, bouche ouverte sur un inaudible cri de souffrance.


Tour de l'Holocauste
-L’axe de la Mort est un couloir étroit aux murs et au sol penchés qui débouche sur une porte, un gardien ouvre la porte et fait pénétrer le spectateur dans un autre espace : la Tour de l’Holocauste, tour de béton brut seulement éclairée par une maigre entaille à son sommet, espace sombre et froid symbolisant la mort du peuple juif. 


 
- L’axe de l’Exil débouche sur le Jardin de l’Exil, situé à l’extérieur du musée. 49 piliers au sommet desquels sont plantés 49 oliviers, figures du déracinement, de l’arrachement à sa terre natale que connaît chaque exilé. 
Jardin de l'Exil
 Le sol du jardin est penché de telle manière que le visiteur est désorienté et déstabilisé à chaque pas, il est en perte de repères comme l’est toute personne exilée contrainte de vivre dans un univers qui n’est pas le sien. Le Jardin de l’Exil est un espace à ciel ouvert mais il est clôturé par des murs très hauts et il est donc impossible d'en sortir. Cette sortie à l’air libre n’est alors qu’un semblant d’accès à la liberté, le spectateur ne peut que pénétrer de nouveau dans le musée après avoir visité le jardin, ainsi Daniel LIBESKIND signifie que l’exil puisqu’il n’est pas choisi mais forcé est une sorte de prison. 

 Depuis septembre 2001 le musée offre 3017,42m2 d'espace d'exposition permanente pour retracer 2 000 ans de présence de la culture juive en Allemagne. Des objets d'art, pour certains uniques, des lettres, des objets de la vie courante, des objets du culte en relation directe avec des éléments multimédia, des dessins d'enfants remplissent largement cet espace. Les scénographes veulent faire sentir la richesse de cette culture, sa diversité, mais aussi l'ampleur du choc qu'a représenté le nazisme allemand pour cette communauté. Il met donc en scène plus particulièrement la destinée tragique qu'a été celle du peuple juif au cours de la seconde guerre mondiale.
D. Libeskind intitule son projet d'architecture "between the lines" (entre les lignes), la LIGNE est l'élément principal grâce auquel il conçoit son projet, cette ligne est celle de l'histoire du peuple juif dont on pourrait situer l'origine dans les écrits de l'Ancien Testament et qui file au travers les siècles de l'Histoire pour se briser et se distordre de façon extrêmement violente au moment de la deuxième guerre mondiale.
plan de Daniel Libeskind pour le Musée juif

En effet Daniel LIBESKIND a conçu son architecture à l'image de l'histoire récente des juifs : une histoire faite de cassures, de ruptures, de violence ; autant de notions historiques que l'architecte s'est attaché à traduire concrètement et plastiquement en créant pour ce musée une architecture faite de cassures, de ruptures, de violence et de vides.

Beaucoup plus qu'une visite de musée, le passage par le Musée Juif est quelque chose comme une épreuve. L'interpellation physique voulue par l'architecte, suscite inévitablement émotion et réflexion. Tout ici est voulu, pensé, mesuré, en fonction du but souhaité. Le gris, le métal brut, le béton, les lignes brisées, la lumière froide, les angles aigus, ne sont pas agréables à l'œil, ils ne flattent pas la corde sensible du spectateur, ils ne sont pas complaisants. Le bâtiment n'est pas beau au sens classique du terme, il est agressif, déroutant. On a là une démarche qui ne cherche pas à séduire, à faire plaisir, mais bien plutôt à agresser, bousculer, surprendre, pour mieux forcer le spectateur à se projeter dans un autre univers. 
Le Musée Juif apparaît ainsi comme un voyage initiatique au sein de l'histoire du peuple juif dont on ne sort pas indemne. (...) Les décisions architecturales (de Daniel LIBESKIND), en provoquant le malaise, font vibrer l'esprit à l'unisson du corps, induisant ainsi chez le visiteur déstabilisé la confrontation brutale avec l'absence, le vide, la mort. 


  Daniel Libeskind est né en Pologne en 1946, a vécu en Israël, à New York, Londres, Berlin… Depuis toujours, David Libeskind mène une vie nomade qui a forgé son esprit vif et bouillonnant. Retour sur le parcours d'un architecte qui tente de concilier poids de l'histoire et vision positive de l'avenir. Américain d'origine juive polonaise, architecte de renommée internationale, Daniel Libeskind s'est fait connaître avec le Musée juif de Berlin. Il a depuis remporté le concours pour la reconstruction du World Trade Center.

projet de reconstruction pour le World Trade Center
 











 Dans chacune de ses réalisations transparaissent les valeurs d'humanisme, de liberté et de démocratie, notamment à travers des jeux de formes et de lumières.

 

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